Communauté

Former la prochaine génération de défenseurs de la justice

Stacey Blumer, Melanie Phillip, Julie Etheridge et Georgia Gotsis.
Montréal - vendredi, janvier 29, 2021

À la pandémie et aux mesures de confinement à l’échelle mondiale qui ont lourdement pesé sur l’année, se sont conjuguées de troublantes manifestations d’intolérance. Du mouvement Black Lives Matter à la persécution continue de groupes minoritaires en Chine et en Arménie, le personnel enseignant a de nombreux enjeux difficiles à aborder.

Éduquer les élèves sur le sujet de l’intolérance contemporaine et historique comme celle de l’Holocauste a toujours été une priorité pour le personnel enseignant de la Commission scolaire English-Montréal (CSEM). Pendant 13 ans, le programme « Riva and Thomas O. Hecht Scholarship : Teaching of the Holocaust for Educators » a permis à des professionnels de l’enseignement de se rendre en Israël et à Washington pour parfaire leurs connaissances sur le génocide et la façon de l’enseigner. La centaine d’éducateurs qui ont bénéficié de ce programme transformateur continuent de partager leurs connaissances par l’entremise de projets innovateurs. 

Bien que le programme n’offre plus de bourses, le Musée Holocauste Montréal (MHM) appuie les enseignants en mettant à leur disposition des ressources pédagogiques adaptées au niveau d’étude des élèves. Elles traitent de façon responsabilisante et respectueuse de questions difficiles comme le génocide et la discrimination.

Des ateliers sont offerts en classe, en ligne, ou selon une combinaison des deux. Grâce à ces programmes, « les élèves apprennent l’histoire de l’Holocauste en écoutant le témoignage de survivants, et en découvrant des objets qui leur appartenaient ». Les sujets varient en fonction de l’âge et la maturité des élèves, et peuvent aller de discussions à propos des droits de la personne ou de récits personnels jusqu’à l’étude de l’évolution de l’intolérance.

Les outils interdisciplinaires comprennent des histoires comme La valise d’Hana et Le Cœur d’Auschwitz. « Même si les portes du musée sont fermées au public, nos expositions virtuelles demeurent accessibles en ligne », indique le MHM.

Le service d’animation de vie spirituelle et d’engagement communautaire soutient aussi le personnel enseignant, tout en s’efforçant d’accroître la sensibilisation à l’Holocauste et sa compréhension dans les écoles. Depuis plusieurs années, les animateurs de vie spirituelle et d’engagement communautaire accompagnent des élèves à Ottawa pour participer au programme « Ambassadors of Change » de la Canadian Society for Yad Vashem. Dans le cadre de ce programme, les élèves rencontrent des gens ayant survécu à l’Holocauste qui leur racontent leur expérience personnelle du génocide. Après les avoir écoutés, les élèves participent à une discussion sur la pertinence contemporaine des leçons tirées de l’Holocauste et sur les moyens qu’ils peuvent utiliser pour promouvoir la tolérance et l’inclusion dans leur école et leur communauté. Le service d’animation de vie spirituelle et d’engagement communautaire espère cette année travailler en partenariat avec le MHM pour créer plus d’occasions de dialogue virtuel entre les élèves et les survivants.

Comme il est mentionné sur le site du programme Teaching of the Holocaust for Educators (T-H-E), « le Québec est l’une des provinces canadiennes qui n’imposent pas officiellement dans son curriculum l’enseignement de l’Holocauste. L’augmentation virulente et alarmante des violations des droits de la personne, de la violence, du racisme, de la haine et de l’antisémitisme en Amérique du Nord et dans le monde met en évidence la nécessité urgente d’apporter des changements majeurs dans le contenu de certains cours. »

Nous avons pris des nouvelles de plusieurs récipiendaires de bourse de la CSEM, qui ont partagé avec nous leur expérience et nous ont expliqué comment ils ont intégré leur apprentissage en classe (https://www.emsb.qc.ca/emsb/articles/riva-and-thomas-o-hecht-scholarship-supporting-holocaust-education-continues-in-a-new-direction). 

Jason Lipstein, qui enseigne actuellement la musique de la maternelle à la quatrième année à l’école virtuelle de la CSEM, aborde généralement les sujets liés à l’Holocauste avec ses élèves plus âgés. « Lorsque nous retournerons en classe, j’introduirai assurément des activités musicales pour aborder l’Holocauste », dit-il.

Aujourd’hui enseignante d’arts plastiques à l’École Westmount Park, Julie-Anne Etheridge va dans le même sens. « Même dix ans plus tard, lorsque j’ai l’occasion d’aborder de manière informelle des enjeux de société difficiles, j’utilise ce que j’ai appris dans ce programme formidable. » Ex-directrice du département d’arts plastiques du Collège Vincent Massey de la CSEM, elle décrit ses anciennes méthodes pédagogiques comme étant conservatrices. « Je n’ai jamais vraiment poussé mes élèves à imaginer d’autres manières, au-delà du crayon 6B, de dessiner une nature morte. » Aujourd’hui, elle incite ses élèves à réaliser des projets qui touchent à la justice sociale. 

Stacey Blumer de l’Académie internationale Marymount est du même avis. « La Canadian Society for Yad Vashem nous a appris à aborder tranquillement le sujet avec les élèves. »

Certaines personnes se demanderont certainement comment faire pour enseigner des sujets comme la violence raciale à des élèves ayant des besoins particuliers. Enseignante au Centre Mackay, Melanie Philip a rédigé des guides pédagogiques expliquant comment aborder efficacement ces enjeux. Ses élèves sont généralement très empathiques, souvent plus que leurs pairs, puisqu’ils ont eux-mêmes fait l’expérience de l’exclusion.

Mme Philip a reçu une bourse du programme d’enseignement de l’Holocauste de la Canadian Society for Yad Vashem en 2017. Selon leur site, « elle considère que sa mission est d’outiller ses élèves afin qu’ils reconnaissent les préjugés et la discrimination dans la société de manière à renforcer leur capacité d’agir au besoin ». Elle fait ainsi écho au survivant et défenseur des droits de la personne, Eli Wiesel, qui a déclaré : « Nous devons toujours prendre parti. La neutralité aide l’oppresseur, pas la victime. »

Georgia Gotsis travaille à l’école Merton dans la ville majoritairement juive de Côte Saint-Luc. La famille de beaucoup de ses élèves a été touchée par l’Holocauste. Ce regard commun et l’apprentissage mutuel offrent l’occasion exceptionnelle d’explorer plus largement le contexte historique. Mme Gotsis tire parti de cette expérience pour contribuer aux programmes de sensibilisation du MHM. 

Bien que cette année scolaire soit très différente, rien n’empêche qu’elle contribue sensiblement à former une nouvelle génération de défenseurs de la justice informés et empathiques aptes à combattre l’intolérance. Avec des programmes adaptés à notre réalité et une plus grande sensibilisation face aux manifestations contemporaines de la haine, les élèves ont le potentiel de véritablement concrétiser l’engagement à ce qu’il n’y ait « jamais plus » de génocides.

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